Selon l'Institut Wallon de l'Evaluation, de la Prospective et de la Statistique (IWEPS), la superficie bâtie du territoire wallon s'élevait à 2.400 km² en 2011 contre 2.100 km² en 1995, soit une croissance de 15% en 16 ans. Sur la même période, la population n'a cependant crû que de 6,4% ...
Bien que des efforts aient été réalisés récemment, il faut cependant constater que la superficie bâtie et particulièrement à des fins résidentielles a augmenté beaucoup plus vite que la population.
Par ailleurs, cette évolution s'est différenciée géographiquement. Si certaines communes ont vu la superficie résidentielle par habitant diminuer entre 2003 et 2011, l'est des Provinces du Luxembourg et de Liège, ainsi que le sud de la Wallonie ont connu une forte augmentation de cet indicateur sur cette période.
Cette dispersion a des répercussions tant au niveau environnemental qu'au niveau économique et social. Ainsi, il est frappant de constater la forte corrélation entre la carte de la superficie résidentielle par habitant et celle des émissions de gaz à effet de serre par ce même bâti[1]. De même, les besoins en transport de personnes et de marchandises sont accrus de ce fait.
En ce qui concerne plus spécifiquement la gestion de l'eau, deux répercussions essentielles découlent de l'étalement urbain, à savoir l'imperméabilisation des sols et l'extension des infrastructures et des zones de service.
L'extension du bâti, résidentiel ou non, impacte de manière négative sur la perméabilité des sols. Ainsi, l'eau météorique ruissellera au lieu de s'infiltrer. Cela influe donc à la fois négativement sur la recharge des masses d'eau souterraine et sur le risque d'inondations par débordement de cours d'eau. Ce problème est d'autant plus important que les conséquences prévues du changement climatique consistent, entre autres, en une fréquence plus importante de jours avec de fortes précipitations en été.
Cette même extension génère d'importants surcoûts pour les services publics de réseau tels que les transports en commun, la collecte des déchets, les services postaux, et bien entendu, le secteur de l'eau.
Au niveau de l'eau, une comparaison avec la Flandre et Bruxelles se révèle ainsi interpellante. Ainsi, si en Wallonie, un kilomètre de canalisation permet d'alimenter 89 personnes en eau de distribution, une même longueur permet d'alimenter 102 personnes en Flandre et presque 500 à Bruxelles.
De même, en matière d'assainissement des eaux usées, la Wallonie et la Flandre épuraient environ 80% de leurs eaux usées en 2010. Mais si la Wallonie a besoin de 403 stations d'épuration pour y parvenir, seules 255 sont nécessaires en Flandre. La comparaison avec Bruxelles est encore beaucoup plus frappante puisque 2 stations suffisent pour traiter l'ensemble de ses eaux usées, là où la Wallonie aura à terme besoin de .... presque 800 stations collectives ...
Ce surplus d'équipements nécessaires a un coût important pour la collectivité. Quand on sait que le coût des services de réseau est essentiellement déterminé par la quantité d'infrastructures requises, on comprend que le coût de l'eau sera fondamentalement différent entre une ville dense comme Bruxelles et une Région comme la Wallonie.
En effet, le surcoût se retrouve dans l'investissement lors de la première pose de conduite, lors du renouvellement des conduites (renouvellement d'1% du linéaire de conduites plus coûteux car plus grande distance à remplacer) et lors de l'entretien de celles-ci. Par ailleurs, les surcoûts sont également liés aux relevés des compteurs (distances plus importantes à réaliser).
Au niveau de l'assainissement, les considérations sur les canalisations (égouts et collecteurs) sont tout aussi valables. A celles-ci viennent s'ajouter les « déséconomies » d'échelle réalisées lors de la construction des stations d'épuration : non seulement celles-ci sont plus nombreuses mais elles sont également de tailles plus petites, engendrant un coût unitaire de traitement plus élevé.
Après une certaine stagnation de la population wallonne, le Bureau Fédéral du Plan s'attend à une augmentation relativement importante de la démographie dans les prochaines décennies.
Si la tendance à l'étalement urbain se poursuit au même rythme que ces dernières années, la superficie bâtie pourrait représenter plus de 25% du territoire en 2060, contre 14% actuellement, multipliant les problèmes liés à l'imperméabilisation des sols dans un contexte de risque de crues accéléré par le changement climatique.
Par ailleurs, l'étalement urbain participe à augmenter le prix de l'eau et par conséquent, accroît mécaniquement le nombre de ménages qui connaissent des difficultés de payement de leur facture d'eau.
La Wallonie est donc à l'heure des choix. Soit le « gaspillage » de territoire continue comme précédemment, soit une véritable politique de concentration urbaine est mise en œuvre permettant à la fois de réduire le coût des services publics et la préservation de l'environnement.